La Maison des visages de Bélmez de la Moraleda

29 Sep 2024 | Étranges histoires

Qui saura un jour ce qui s'est réellement passé le 23 août 1971 à Bélmez de la Moraleda, un petit village d'Espagne ?  Qui pourra expliquer l'apparition des 3 000 visages ayant marqué, pendant 35 ans, le sol de la maison de María Gómez Cámara, alors âgée de 52 ans, à l'époque des faits ? De condition modeste, elle vit avec son mari et ses deux fils dans cette habitation andalouse typique à la façade blanchie à la chaux. Tous trois agriculteurs, ils tirent une partie de leurs ressources d’un petit troupeau de chèvres.

Aujourd'hui, en passant devant le 5, rue Rodriguez Acosta, dans ce bourg d'Andalousie, on se souvient encore de cette famille, mais plus personne n'y entre. La maison est désormais vide, abandonnée ... Mais l'est-elle vraiment ?

Naissance d'un Mystère

Le premier visage de Bélmez de la Moraleda

Ce jour-là, Maria est dans sa cuisine. Elle vaque à ses occupations ménagères, lorsqu’elle remarque, sur le sol en ciment, des traces qu’elle prend d’abord pour de simples taches. Intriguée, elle s'arrête, regarde plus attentivement. À plusieurs reprises, elle se penche pour mieux observer. Ce qu'elle voit la glace sur place : les taches forment les traits d'un visage, celui d’un homme. Ses yeux semblent perçants, sa bouche légèrement entrouverte, comme s’il voulait dire quelque chose.

Est-ce une illusion ? Comment est-ce possible ?

Perplexe, Maria demande l'avis de ses voisines : voient-elles aussi la même chose ? Oui, elles confirment à l'unanimité. Tout le monde s'agite : ce n'est pas un mais plusieurs visages qui apparaissent progressivement à différents endroits de la maison. Maria, déterminée, tente  de les effacer en lavant énergiquement le sol avec divers détergents. Il faut que tout redevienne comme avant. Que tout soit propre. En vain. les premiers visages s'estompent, mais d'autres réapparaissent, plus nombreux et à de nouveaux endroits.

Déroutée, Maria ne comprend pas ce qui se passe. Les premiers visages s’effacent mais d'autres réapparaissent plus nombreux et à différents endroits de la maison, encore et encore. Maria est déroutée. Elle ne comprend pas. Elle est convaincue qu'il ne s'agit pas de simples taches et qu'elle n'est pas en proie à des hallucinations.

Juan Pereira, le conjoint de Maria, et leur fils aîné Diego décident d'agir. Il faut bien faire quelque chose. Casser le sol en ciment où le premier visage est apparu. C’est la seule solution, pensent-ils. Refaire une dalle propre et tout oublier. Aussi simple que cela.

Pelle, pioche et huile de coude, les deux hommes s'exécutent. Mais à peine la dalle sèche, un frisson les parcourt : un nouveau visage, plus net, plus sinistre encore que le précédent, s’est formé sur le ciment, tout juste refait. Ses traits semblent presque vivants, comme s’il observait les deux hommes avec une intention malveillante.
Puis d'autres visages apparaissent, non seulement sur le sol, mais aussi dans le foyer de la cheminée, et même sur la table de la cuisine. Qu'à cela ne tienne, les Pereira ne sont pas du genre à baisser les bras. Ils renouvellent l'opération en espérant cette fois que ces manifestations cessent. En vain.

L’obstination cède peu à peu la place à l’impuissance, au découragement, puis à une profonde inquiétude face à l'inexplicable et l'incontrôlable. Que faire d'autre ? Alerter les autorités et demander de l'aide ?

Les visages de Bélmez

Quand la science reste sans réponse

Devant les proportions que prend l'affaire, le maire de la commune ordonne le prélèvement d'un fragment du sol de la cuisine afin qu'il soit soumis à une analyse scientifique. Aucune trace de peinture ou de quelconque substance chimique n'est détectée. Les experts sont formels : les visages sont uniquement composés de sable et de ciment, ni plus ni moins. Une conclusion aussi simple qu'inexplicable.

C'est alors que Le Diario Pueblo, l'un des journaux les plus populaires de l'époque en Espagne, s'empare de l'affaire. Très vite, des envoyés spéciaux et des experts sont dépêchés sur place. Sous l'impulsion du journal, une batterie de tests supplémentaires est lancée : détection de radioactivité, études aux rayons X, spectrographie gamma, photographies infrarouges et ultraviolettes, tests acoustiques, et bien plus encore. Malgré cette avalanche d’analyses et de technologies de pointe, le mystère des visages de Bélmez reste entier. Aucun résultat, aucune piste, rien de concret ne vient expliquer le pourquoi du comment des apparitions !

Une nouvelle piste s'ouvre lorsque la municipalité fait une étonnante découverte dans ses registres officiels : la maison des Pereira a été construite sur un ancien cimetière datant du XIIIe siècle. Y a-t-il un lien de cause à effet entre cet emplacement et les apparitions ? Cette question soulève une nouvelle hypothèse : découper une partie de la dalle et creuser un trou suffisamment profond pour dévoiler les mystères enfouis... Le maire demande à un maçon de réaliser une fouille de 3 mètres de profondeur.

Bonne pioche : Des ossements humains sont retrouvés, certains datant du XIIIe siècle, ainsi que deux squelettes d'adolescents sans tête. D'après les examens médico-légaux, la période probable des décès se situerait au début du XIXe siècle.  Dans quelles circonstances sont-ils morts ? Durant les derniers temps de l'Inquisition, abolie définitivement en 1834 ? Peu probable. Lors de la guerre d'indépendance, qui opposa l'armée napoléonienne aux insurgés espagnols ? C'est possible. À moins qu'il ne s'agisse de victimes d'un acte criminel volontaire...

Serait-ce alors ces témoins de l'Histoire qui cherchent à attirer l'attention ? L'hypothèse d'une explication défiant toute rationalité est enfin envisagé sérieusement.

Vue aérienne de Bélmez de la Moraleda (cc by-sa 3.0 Lopez Suarez). De gauche à droite : ''La Pava'', premier visage apparu sur le sol de la cuisine de la Famille Pereira le 23 octobre 1971. Plusieurs visages se trouvant à proximité de la cheminée. Visage féminin apparu sur un mur. Photo de César Tort (cc by-sa 3.0). Entrée de la maison de la famille Pereira, au centre du village de Bélmez de la Moraleda (cc by-sa 3.0 Dégeefe).

Les visages de Bélmez en quête de vérité

L'enquête sous scellés

En février 1972, face à l’ampleur que prend l’affaire, le gouverneur civil de Jaén décide de reloger provisoirement la famille Pereira mandate un spécialiste des phénomènes paranormaux pour enquêter sur place.

Germán de Argumosa (1921-2007), professeur et parapsychologue, mondialement reconnu pour ses études sur les voix électroniques et ses recherches dans le domaine de la parapsychologie, se rend à Bélmez. Il est rejoint sur place par Hanz Bender, médecin et parapsychologue allemand, pionnier dans l'étude scientifique des phénomènes paranormaux en Europe. Pendant deux ans, ils consacrent la plupart de leur temps aux visages de Bélmez.

Durant l'été 1973, la cuisine est même mise sous scellés pendant trois mois afin d'écarter toute possibilité de supercherie. À la réouverture, sous le contrôle de deux notaires, Argumosa et Bender constatent que de nouveaux visages sont apparus et que d'autres ont changé d'expression.  Leur conclusion est formelle : les visages de Bélmez de la Moraleda sont d'authentiques cas de ''Téléplastie''. Autrement dit, selon la définition consacrée, il s'agit de la manifestation d'une forme matérielle, généralement une image ou une figure, qui apparaît de manière inexpliquée, sans intervention physique directe.

Peut-on vraiment parler de présences invisibles dans cette maison ? Des esprits inoffensifs, certes, mais déterminés à se manifester à tout prix, de peur d'être oubliés ? Certains le pensent, d'autres préfèrent l'ignorer. Quant à la famille Pereira, elle finit par les accepter... Désormais, les curieux sont invités à faire leur rencontre moyennant un petit billet d'entrée ! La maison devient l'un des hauts lieux touristiques et pour le moins atypiques de la province de Jaén.

Ainsi, malgré l'attention du pays tout entier et des touristes venus de tous les horizons, le mystère perdure. Des visages apparaissent, d'autres s'estompent. Et les experts continuent de chercher, inlassablement...

Le visage de Bélmez résiste

Des éléments révélés, mais le mystère demeure

En 1976, la "Cara Pelona", aussi appelée "El Pelao" (le chauve), l'un des nombreux visages apparus sur le sol de la maison de la famille Pereira, fait l'objet d'une analyse chimique approfondie.

Sous l'égide du Conseil National de la Recherche Espagnol et de l'Institut Hydrogéologique de Valence , le Dr. J.J. Alonso confirme la présence d'un composé mélanocratique (une roche ou un minéral de couleur sombre) dans la formation du visage, et précise que certains ciments, dérivés de matériaux alumineux et calcaires, peuvent être naturellement noirs, ce qui pourrait expliquer la coloration du visage. Certes, l'analyse fournit des informations sur la composition chimique du visage, mais elle ne permet pas de conclure de manière définitive sur l'origine naturelle ou paranormale du phénomène.

En 1991, les Drs. Francisco José Valle Fuentes et Juan Antonio Martín Rubi, de l'Institut de Céramique et Verre du CSIC, analysent deux échantillons du sol de la maison. Leur étude donne des résultats aussi intrigants que limités. Malgré la faible quantité de matière disponible, les scientifiques ont déployé des techniques d'analyse sophistiquées, allant des rayons X à la spectrométrie plasma, dignes des meilleures séries policières.

Habituellement si efficace pour percer les secrets de la matière, la diffraction des rayons X s'est, une fois n'est pas coutume, heurtée à un mur… En l'occurrence, la trop fine épaisseur de la dalle. L'opération a été renouvelée en 1994, 1996, puis à nouveau en 1998, sans succès à chaque tentative.

Contrairement à la spectrométrie de plasma ICP, qui, contre toute attente, permet de faire parler l'échantillon — ou plutôt de le faire balbutier. Cette technique a révélé un cocktail d'éléments intrigants : zinc, baryum, cuivre, chrome, phosphore et plomb, un mélange qui rappelle curieusement la composition de certains pigments de peinture.

Toutefois, prudence est de mise ! Ne crions pas victoire trop vite. Les chercheurs émettent rapidement de sérieuses réserves quant à l’hypothèse de traces de peinture, au vu de la très faible concentration de ces éléments.

Cette analyse scientifique, digne des plus grandes enquêtes paranormales, soulève finalement plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.

La maison des visages

Entre tristesse et silence après la mort de Maria

Les années passent, les visages s'effacent, d'autres apparaissent, mais le mystère, lui, demeure ! Étrangement, alors que Maria est hospitalisée, les visages vont jusqu'à manifester une profonde tristesse... En empathie avec son inquiétude à l'idée de devoir subir une opération imminente ?

Fidèles au point de vue des experts de la première heure, l'ensemble des parapsychologues évoquent un phénomène de Téléplastie pour expliquer ce lien mental entre Maria Pereira et les visages.

Maria s'est éteinte en 2004, à l'âge de 85 ans, sans avoir compris ce mystère.

La maison, mise en vente, n'a jamais trouvé d'acquéreur. Définitivement fermé au public, celle-ci continue d'attirer les passionnés de l'étrange. Chaque année, des centaines de visiteurs se rassemblent au 5, rue Rodriguez Acosta avant de se rendre au 2, rue Alonso Vega. C'est à cette adresse qu'a été inauguré "El Centro de Interpretación de las Caras" (Le Centre d'Interprétation des Visages), qui perpétue la mémoire de ce mystère en offrant une expérience immersive aux visiteurs.

Depuis le décès de María Gómez Cámara, de nombreux visages ont commencé à s'effacer ou à perdre de leur intensité, mais certains semblent défier l’épreuve du temps.

© Alain Firegnieline

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Sources

Ouvrages, et articles de presse :
Poltergeist, una incomoda realidad. Fenomenos inexplicables en nuestro hogar Fernandez Hogar Bueno (1972)
Enigmas sin resolver de Iker Jimenez ElizariEDAF 2006
Diario Cronica Buenos Aires 20/2/1972
Lumière dans la nuit – L'étrange enigme de la Moraleda – 2eme Trimestre 1972
Liens internet :
http://blogs.canalsur.es/documentacionyarchivo/german-de-argumosa-y-su-parafonia-mas-famosa/
https://www.ecured.cu/Germ%C3%A1n_de_Argumosa
https://comunidadparanormalec.blogspot.com/2012/05/tributo-al-maestro-german-de-argumosa.html
https://es.wikipedia.org/wiki/Germ%C3%A1n_de_Argumosa
https://en.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9lmez_Faces
https://www.andalucia.org/fr/belmez-de-la-moraleda-et-ses-visages
https://whichmuseum.es/museo/centro-de-interpretacion-de-las-caras-de-belmez-belmez-de-la-moraleda-33609
https://museumspedia.net/fr/i/23633-centro-de-interpretacion-de-las-caras-de-belmez/
https://www.ecured.cu/Germ%C3%A1n_de_Argumosa
https://comunidadparanormalec.blogspot.com/2012/05/tributo-al-maestro-german-de-argumosa.html
https://gq.mines.gouv.qc.ca/documents/EXAMINE/S128/S128.pdf
https://www.dawn.com/news/1013553/myths-amp-mysteries
https://guende.blogia.com/2004/032301-las-caras-de-belmez-jose-luis-jordan-pena.php
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_visages_de_B%C3%A9lmez
https://fr.vikidia.org/wiki/Guerre_d'ind%C3%A9pendance_espagnole
https://www.morasha.com.br/fr/antis%C3%A9mitisme/l'inquisition-espagnole.html