Raynham Hall : Les secrets de la Dame Brune immortalisée dans une photo mythique

19 Août 2024 | Étranges histoires

Nichée dans le village de East Raynham, au cœur du Norfolk, Raynham Hall est sans conteste l'un des lieux les plus mystérieux d'Angleterre. Ce domaine, construit au XVIIe siècle à la demande de Sir Roger Townshend, a joué un rôle crucial dans l'évolution de l'architecture anglaise en s'inspirant des modèles italiens.

Pourtant, ce n'est pas uniquement pour son architecture que Raynham Hall est célèbre : il serait hanté par la « Dame brune », un spectre immortalisé sur une photographie prise en 1936. Ce cliché, qui a traversé les décennies, est considéré par beaucoup comme une preuve de l'existence d'un monde invisible, malgré les nombreuses tentatives de démystification qu'il a subies depuis plus de 90 ans...

L'apparition de l'Apparition

Un Instant Figé en 1936

Ce matin du 19 septembre 1936, M. Indre Shira et le Capitaine Hubert C. Provand ne se rendent sur les lieux pour une simple séance photo. Ils doivent immortaliser la beauté et l'élégance de ce lieu chargé d'histoire à la demande de la marquise Gwladys Surthest Townsend, actuelle propriétaire des lieux. Afin de répondre à ses attentes, ils se installent avec soin leur équipement dans les vastes salles ornées de boiseries et de tableaux, soucieux de capturer chaque détail.

En fin d'après-midi, les deux photographes se dirigent vers le grand escalier en chêne, pièce maîtresse de l'architecture du manoir. C'est ici, sur ces marches usées par l'érosion du temps, que tout va basculer.

Concentré sur la lumière ambiante, Provand ajuste son appareil. Derrière lui, Shira observe la pièce avec attention. Soudain, en levant les yeux vers l'escalier, il aperçoit une silhouette floue : une femme descend lentement les marches, drapée d'une robe blanche vaporeuse, presque translucide.

Sans perdre une seconde, Shira appelle son collègue : « Vite, vite, il y a quelque chose ! » Ce dernier presse immédiatement le déclencheur. Le flash illumine brièvement l’escalier avant que l’obscurité ne retombe, emportant avec elle la mystérieuse apparition. Tandis que Shira se précipite vers l'appareil pour vérifier que la photo a bien été prise, le Capitaine Provand, qui n'a rien vu, reste sceptique. Pour lui, tout cela n'est qu'un effet d'optique, un jeu d'ombres ou un simple reflet de lumière. Mais Shira en est certain, quelque chose d'extraordinaire vient de se produire. Et bientôt, ses certitudes prendront forme, figées dans l'image.

La Dame Brune de Raynham Hall

Une photo à la UNE pour l'éternité

Pour valider l'authenticité du cliché, Shira et Provand font appel à un comptable indépendant de la firme Blake, Sanford & Blake. Ce dernier assiste, dans la chambre noire, à l'ensemble du processus de développement et de fixation.

Une fois, la plaque plongée dans le bain, l'image se dévoile peu à peu ... La silhouette éthérée d'une femme descendant l'escalier est bien là, capturée en détail par l'objectif. Si des ombres semblent esquisser le contour de ses yeux, les traits de son visage restent flous. La robe et la posture de la figure suggèrent qu'il pourrait s'agir d'une femme de la haute société britannique (Victorienne)

La photographie est rapidement publiée dans le magazine Country Life le 26 décembre 1936, puis dans Life Magazine le 4 janvier 1937.

Elle fait immédiatement sensation, suscitant un intérêt sans précédent. Le public est fasciné. Certains voient dans cette image la preuve indéniable de l'existence des fantômes, tandis que les sceptiques tentent d'y apporter des explications rationnelles. Une chose est sûre : Le cliché du spectre de Raynham Hall devient l'une des photographies les plus célèbres du genre.

Le mystère du fantôme de Raynham Hall

Un voyage à travers l’Histoire

L'hypothèse principale concernant l'apparition est qu'il s'agit de Dorothy Walpole, surnommée "Dolly".

Née en 1686 au sein d'une famille de l'aristocratie britannique, Dorothy était la sœur cadette de Sir Robert Walpole, Premier Lord du Trésor de 1721 à 1742, fonction équivalente à celle de Premier ministre aujourd'hui. Dorothy passa son enfance dans le domaine familial de Houghton Hall (Norfolk). En 1713, elle épousa le vicomte Charles Townshend, un aristocrate influent qui atteignit le sommet de sa carrière politique en 1721, lorsqu'il fut nommé secrétaire d'État pour le département du Nord. Le couple s'installa alors à Raynham Hall, demeure ancestrale des Townshend.

D'un charme indéniable, Dorothy attira de nombreuses attentions, mais fut aussi la cible de rumeurs et de scandales qui ternirent sa réputation. La légende la plus célèbre à son sujet est celle de son prétendu enfermement par son mari jaloux. Selon les récits, Charles Townshend, persuadé de son infidélité, aurait séquestré Dorothy dans une aile isolée de Raynham Hall. Elle y aurait vécu ses dernières années dans une réclusion forcée, avant de mourir de désespoir en 1726, à l'âge de 40 ans.

Une version moins tragique suggère que Dorothy serait en fait morte de la variole. Cette explication est généralement considérée comme la cause officielle de son décès. Cependant, au fil des années, les récits populaires ont embelli sa légende de détails mystérieux comme une supposée malédiction familiale pesant sur les Townshend.

Façade de Raynham Hall (Vol3 In English Homes- ©Charles Latham 1909. Portrait de Dorothy Towshend (Huile sur toile de Charles Jervas 1718). The Brown Lady of Raynham Hall ( ©Indre Shira Photography Limited 1936).

 La Dame Brune à travers les récits de ceux qui l’ont vu

Si les observateurs avisés de la photographie ont rapidement fait le lien avec le fantôme de Dorothy Walpole, c'est parce que les premières mentions de ses apparitions remontent au début du 19e siècle. À cette époque, plusieurs membres de la famille Townshend, des domestiques et des invités ont rapporté avoir vu une femme en robe brune errer dans les couloirs du manoir, notamment autour de la chambre où Lady Dorothy aurait été enfermée.

Parmi les témoignages les plus célèbres concernant la Dame Brune, on retient ceux du Colonel Loftus et du Capitaine Frederick Marryat, deux témoins jugés particulièrement dignes de confiance à l'époque des faits.

En 1835, le Colonel Loftus, invité à Raynham Hall pour les fêtes de Noël, affirma avoir vu à deux reprises une femme en robe brune. Il décrivit ses yeux comme "creux et vides". Son témoignage fut l'un des premiers à être consigné.

Un an plus tard, en 1836, le Capitaine Frederick Marryat, auteur renommé de romans d'aventures maritimes, séjourna à Raynham Hall dans l'espoir de démasquer ce qu'il pensait être une supercherie. Mais une nuit, il affirma avoir vu le fantôme, portant une lanterne, passer devant lui. Cette rencontre l'aurait bouleversé au point de le convaincre de l'authenticité du phénomène.

En 1936, Gwladys Sutherst Townshend, marquise de Townshend, collabora avec Maud Foulkes à la rédaction d'un ouvrage intitulé ''True Ghost Stories''. Ce recueil relate diverses manifestations du spectre de la Dame Brune de Raynham Hall, dont une expérience vécue par son propre fils, George. Ce dernier aurait été à la fois effrayé et fasciné par l'apparence translucide du fantôme, notant qu'il pouvait "distinguer les marches de l'escalier à travers sa silhouette".

Au fil des décennies, de nombreux autres témoignages sont venus enrichir la légende de la Dame Brune. Cependant, au-delà des récits, la photographie de 1936 a suscité dès sa publication l'intérêt de nombreux experts en paranormal.

Démystification ou Révélation ?

Les experts et la Dame Brune de Raynham Hall

Le Dr Nandor Fodor, psychologue et parapsychologue renommé, fut le premier à mener une enquête approfondie sur la célèbre photographie de la Dame Brune de Raynham Hall.

D'origine hongroise et naturalisé britannique, Fodor était, au début du siècle dernier, un expert reconnu dans le domaine des phénomènes paranormaux.  Concernant la photographie de Raynham Hall, son objectif était d'examiner les circonstances entourant la prise de vue, mais aussi de tenter de reproduire l'image. L'enquête de Fodor se concentra sur plusieurs aspects :

  • 1. Analyse technique de la photographie : Il examina minutieusement le négatif original et les tirages pour détecter d'éventuels truquages, anomalies ou illusions photographiques.
  • 2. Entretiens avec les témoins : Fodor mena un interrogatoire rigoureux d'Indre Shira et Hubert C. Provand pour évaluer la cohérence de leurs récits.
  • 3.  Analyse psychologique : En tant que psychologue, il étudia le comportement des témoins pour détecter d'éventuelles contradictions.
  • 4. Étude du contexte historique : Fodor entreprit une recherche approfondie sur l'histoire de Raynham Hall et la tradition orale liée à la Dame Brune pour établir des connexions avec l'apparition.
  • 5. Étude de cas parallèles : Il compara la photographie de la Dame Brune à un corpus d'images similaires afin  d'identifier d'éventuels caractéristiques communes, créant ainsi un cadre de référence pour évaluer l'authenticité du cliché.
  • Lors de sa visite à Raynham Hall les 8 et 9 janvier 1937, Fodor s'entretenu avec Lady Townshend, qui exprima son étonnement face au silence d'Indre Shira concernant l'apparition au moment de la prise de vue. Cet élément renforça les doutes de Fodor quant à la véracité du récit de Shira.

À l'issue de son enquête, Fodor présenta des conclusions nuancées. Sans qualifier la photographie de supercherie, ses observations soulevaient des questions importantes quant à son authenticité.

De son côté, Harry Price, éminent parapsychologue britannique et fondateur du Laboratoire National de Recherches Psychiques en 1925, entreprit également une analyse méthodique de la photographie de la Dame Brune. Au début de 1937, il mit en place un protocole d'investigation rigoureux, comprenant un examen technique approfondi du négatif original et des tirages, ainsi que des entretiens avec les témoins et une recherche historique exhaustive.

À contrario de son collègue britannique, Harry Price déclara n'avoir trouvé aucune preuve de trucage ou de manipulation de l'image et surtout que le cliché était "l'une des preuves les plus convaincantes de l'existence des fantômes" !

Raynham Hall

Quand le mystère ne meurt jamais

Depuis l'analyse initiale de Harry Price en 1937, de nouvelles techniques, telles que l'analyse spectrale et la reconstruction 3D, ont permis d'étudier l'image sous de nouveaux angles. Cependant, malgré l'évolution des technologies, les opinions sur l'authenticité de la photographie de la Dame Brune de Raynham Hall restent partagées entre les convaincus et les sceptiques.

Parmi ces derniers, Joe Nickell, chercheur principal au Comité pour l'Investigation Sceptique (CSI), une organisation américaine dédiée à l'examen scientifique des phénomènes paranormaux et des pseudosciences, est particulièrement connu pour son approche méthodique.Dans le cas spécifique de la photographie de Raynham Hall, Nickell a identifié des signes de double exposition, une technique photographique qui pourrait expliquer l'apparence "fantomatique" de l'image, en particulier la ligne pâle visible au-dessus de chaque marche de l'escalier.

Mais d'expertise en expertise, la Dame brune de Raynham Hall n'a toujours pas dissipé le voile de mystère qui l'entoure.  Aujourd'hui encore, le Comté du Norfolk  attire l'attention des amateurs comme des passionnés de phénomènes inexpliqués et ''Au-delà'' des apparences, fort de constater qu'il n'y a pas de hasard ! La Dame Brune de Raynham Hall  peut s'enorgueillir de jouer l'un des tout premiers rôle dans l'attrait touristique de la région de l'Est Anglie .

Tout en restant la propriétée privée de la famille Townshend, Raynham Hall s'est ouvert au public de manière limitée et propose des hébergements de type "glamping", alliant le charme du camping à un certain luxe dans le cadre historique du domaine. Des événements spéciaux sont organisés périodiquement, comme des visites thématiques, des expositions temporaires, des récitals de musique avec en point d'orgue le concert de la Royal Academy of Music programmé chaque année au mois d'avril.

© Alain Firegnieline

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Sources

Livres et PDF :
The ghost of Raynham Hall – Country Life – Décembre 1936
In english home Latham, Charles, 1847-1912; Tipping, H. Avray (Henry Avray), 1855-1933
The Brown Lady of Raynham Hall – Re-examination of a ClassicGhost-Janvier 2009/Juin 2017 byTom Ruffles
Sources Web-Liens internet :
https://engole.info/brown-lady-of-raynham-hall/
https://www.transkommunikation.ch/dateien/diverse_tbs_infos/The%20encyclopedia%20of%20ghosts%20and%20spirits.pdf
https://archives.libraries.london.ac.uk/resources/HP-catalogue.pdf
https://thesecretparanormalinvestigator.com/
https://www.academia.edu/33522992/The_Brown_Lady_of_Raynham_Hall_Re-examination_of_a_Classic_Ghost_Photograph_and_a_Possible_Explanation
https://anomalien.com/the-ghost-of-brown-lady-of-raynham-hall/
https://www.norfolkfolkloresociety.co.uk/post/the-brown-lady-ghost-of-raynham-hall
https://moonmausoleum.com/brown-lady-of-raynham-hall/
https://www.semanticscholar.org/paper/Ghost-Hunters-and-Psychical-Research-in-Interwar-Timms/c80e104a3c01020c689c998641931aa4f0c93383
https://vocal.media/fyi/brown-lady-of-raynham-hall-in-norfolk-england
https://www.visitbritain.com/fr/voir-faire/les-lieux-les-plus-hantes-de-grande-bretagne
https://www.thehotelguru.com/fr-fr/best-hotels/royaume-uni/norfolk-lieux-inhabituels
https://raynham.co.uk/events-at-raynham/